« L’évaluation par les pairs est imparfaite mais utile » – Parution d’un entretien dans La Croix

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Parution d’un entretien La Croix sur l’évaluation par les pairs

Recherche : « L’évaluation par les pairs est imparfaite mais utile »

Entretien

Marin Dacos est conseiller scientifique pour la science ouverte auprès du ministère de la recherche et l’ancien directeur d’OpenEdition.

  • Recueilli par Audrey Dufour,
  • le 16/11/2020 à 15:46

La Croix : Les revues scientifiques ont-elles encore une utilité à l’heure du libre accès permis par le Web ?

Marin Dacos : Les revues certifient la qualité scientifique grâce à l’évaluation par les pairs. Ce système a bien sûr des défauts, notamment avec une course à la vitesse. Les évaluateurs ne sont pas infaillibles et se concentrent sur le raisonnement, pas sur les données. i Pourquoi lire La Croix ? La Croix met en lumière la dimension spirituelle des hommes et des événements. +

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Chaque mardi, l’analyse éthique des enjeux scientifiques   Le système laisse passer des erreurs, et le nombre de rétractations d’études augmente depuis plusieurs années (1). Certaines erreurs s’avèrent très délétères, comme l’étude qui prétendait l’existence d’un lien entre vaccin et autisme et qui a mis près de dix ans à être retirée par la pourtant prestigieuse revue médicale The Lancet, qui l’avait publiée. Il est donc légitime de s’interroger sur l’utilité des revues scientifiques. Mais même si le système d’évaluation par les pairs n’est pas parfait et doit être amélioré, il vaut mieux que pas d’évaluation du tout. Il reste utile.

Certaines revues affichent, en outre, des prix démesurés…

M. D. : Oui. Sur les 100 000 revues publiées par 12 000 éditeurs scientifiques dans le monde, certaines sont des « super stars », des références dans lesquelles il faut être publié pour faire carrière. Et le coût d’abonnement à ces revues reflète ce prestige. Elsevier et Springer, pour ne citer qu’eux, perçoivent des bénéfices après impôts supérieurs à ceux de l’industrie pétrolière, le tout grâce à des connaissances financées par la recherche publique. Il y a un problème.

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Un nouveau modèle a émergé : celui des « frais de publication ». Les chercheurs payent pour faire publier leur étude, mais en échange, celle-ci est accessible gratuitement au public. Ce système se rapproche de l’idéal d’une diffusion large des savoirs, de la science ouverte. En Amérique latine, où les plateformes d’articles en libre accès sont très développées, un quart du lectorat est ainsi issu du monde non académique, ni étudiants ni universitaires. Le système permet de développer les connaissances des citoyens.

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Mais là encore, les revues prestigieuses imposent des frais de publication élevés. Publier dans Nature Communications en accès ouvert, par exemple, coûte plus de 4 000 € à l’auteur. Ce qui soulève des questions éthiques : les éditeurs seraient incités à accepter un maximum d’articles pour leurs gains, des recherches menées par des organisations ayant peu de moyens resteraient dans l’ombre, etc.

D’autres pistes sont-elles à l’essai ?

M. D. : Oui. Par exemple, la « voie diamant », où les coûts de publication sont pris en charge par l’institution de recherche, privée ou publique, qui devient alors éditrice ; ou encore le « subscribe to open ». Par ce système, les abonnés d’une revue s’engagent à maintenir leurs abonnements payants, en échange de quoi les articles sont rendus accessibles à tous, même aux non-abonnés.

(1) Le blog retractionwatch.com, créé en 2010, recense près de 25 000 rétractations d’articles scientifiques.



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